Rames, slam, drames

Les portes s’ouvrent…

 

Les femmes foncent vers l’emplacement prioritaire
Celles qui ont réussi cachent leur sourire mais sont très fières
Celles qui attendent sont ou en chasse ou en guerre
Seules les femmes enceintes, elles, n’ont rien à faire

 

« J’arrive je suis à Concorde »
Hurle la fille au téléphone
Et dans la rame se pousse et se presse une horde de personnes

 

Dans le premier métro y a surtout des noirs, des maghrébins
Elle est là la France qui se lève tôt ! Regarde bien
A côté de ceux qui ont fini leur soirée au petit matin
Et qui bercés par les secousses dorment sur leur strapontin

 

Le mec qui écoute sa musique trop forte
Est rentré quand ça sonnait et a bloqué la porte
Laissant la voie à d’autres qui écrasent, volent, pelotent

 

Jusqu’à La Défense on voit des hommes en costards
Qui tiennent à leur BlackBerry comme à leur dernier espoir
Et des collègues qui débriefent tous les soirs
Sur les bruits de couloir ou sur leur vie rasoir

 

Tous s’accrochent à la barre centrale
Qui poisseuse de toutes ces mains sales
Contient tous les microbes de la capitale

 

A Châtelet, les touristes descendent dans un brouhaha

Et d’autres montent des sacs siglés plein les bras
Toujours en bande les ados parlent fort
pour qu’on les voit
Et racontent des bêtises auxquelles eux-mêmes ne croient pas

 

« Vous n’auriez pas une petite pièce ? »
Demande, blasé, un SDF
Qui passant dans les rangées ne reçoit des gens que leur petitesse

 

Le vendredi soir y a que des jeunes, preuve que vieillir ça craint
Et en journée, y a toujours un couple qui se bouffe les lèvres et se tient la main
Ou ces filles qui pour paraître bronzées ont trop forcé sur le fond de teint
Et qui sont tellement oranges qu’on dirait qu’elles ont un problème de reins

 

C’est à Gare de Lyon que descendent les voyageurs
Qui avec leur valise se pressent pour être à l’heure
Et attraper le train qui les emmènera ailleurs, ailleurs

 

Coincée contre un mec qui pue, collée à sa peau moite
Un sac qui me vrille les côtes et m’empêche de rester droite
Je compte les arrêts de ma place étroite
Tiens bon… plus que quatre !

 

Soudain le train s’arrête
Un gamin gueule dans sa poussette
Le conducteur dit « merci de patienter »
et voilà les gens qui font la tête !

 

Pendant qu’un bonhomme me tousse au visage
J’entends le conducteur demander l’aiguillage
Et vois deux passagers qui de ras le bol et de rage
Viennent de commencer l’accrochage

 

On repart…
Dans le reflet de la vitre, j’observe un beau garçon
Mais je n’ai pas le temps de passer à l’action
Que déjà il se lève pour descendre à Nation…

 

C’est bon, ça y est, c’est mon arrêt
Vite, je m’en libère, je sors, je m’extrais
A coup de « Pardon… S’il vous plait… ! »
Pour à nouveau, enfin ! Respirer

 

Le métro, ce monde sans mot
Où l’autre est toujours de trop
Où tout se dit sans se dire avec pour seul langage le soupir
Où tout ce qui se dit c’est « pardon, j’aimerais pouvoir sortir !!! »

 

Et dire que demain, déjà, il faudra recommencer !
Supporter, encore, de se coller, de se serrer
Et continuer, toujours, cette vie copiée-collée

 

Plein de règles implicites, le métro est une gigantesque foire
Une véritable jungle sociale où la victoire est de s’assoir
Plein de ce bruit de rails qui nous raille les oreilles et de ce paysage noir
Les publicités comme seules choses qui nous sont données à voir

 

Microcosme parisien, tunnels creusés, monde souterrain
Qui nous révèle à nos instincts de petites fourmis en chemin
Pour aller travailler sans faute chaque matin
Et partout dans la ville c’est le même refrain

 

Avant d’arriver à destination
Et avant de descendre à sa station
Car si vous faisiez attention à chacune
Vous auriez remarqué que nous n’étions que sur la ligne une…

©Clionne / Chloé Subra de Bieusses